Pédagogie
Un article de Daniel Goyone sur les mesures impaires dans ses compositions mais aussi dans la musique classique, le jazz...
Musicien et pédagogue, Daniel Goyone est un des musiciens les plus intéressants de la scène jazz française. Il a notamment composé pour Claude Nougaro ou joué avec Chick Corea, Trilok Gurtu, David Lynx... Il a aussi enregistré une dizaine d'albums (écouter ici).
Les mesures impaires sont utilisées plus fréquemment qu'on ne le pense. On les rencontre dans la plupart des musiques traditionnelles. Au-delà du 3 temps qui, lui, est universel, on rencontre des mesures à 5 et à 7 temps dans de très nombreuses traditions.
Les mesures à neuf temps, ne sont pas rares non plus (Inde, Iran, Balkans, Turquie, Afrique, entre autres). Au-delà, dans les mesures impaires plus longues (11, 13, 15 temps...), on forme des chaînes de mesures courtes ( ex : 2+3+3+2+3) afin que la métrique puisse être sentie plus facilement : ce sont les mesures composées, très fréquentes dans les musiques des Balkans, ou la musique turque.
Les musiques classique et romantique, en revanche, ont peu utilisé les mesures impaires (un des rares contre-exemples : l'Allegro con grazia de la Symphonie Pathétique de P.I. Tchaïkovski, écrit à 5 temps). C'est ce qui explique que certains musiciens occidentaux ne savent pas trop comment les aborder.
En revanche la musique du XXème siècle a remis ces mesures à l'honneur : Bela Bartok (7/8, 5/8 qui s'inspire des musiques populaires de Roumanie ou de Bulgarie), Maurice Ravel ( dans son quatuor à cordes), Igor Stravinski qui utilisait souvent des successions de métriques différentes, et beaucoup d'autres compositeurs, à leur suite.
Elles ont aussi été utilisées dans le jazz depuis les années 70. L'exemple le plus marquant est fourni par le répertoire du Mahavishnu Orchestra de John Mac Laughlin, influencé par la musique indienne : Dance of Maya (10/8), Meeting Of The Spirits (6/4), Celestial Terrestial Commuters (19/8), Hope (7/8), Birds Of Fire (18/8) :
Contrairement à une idée qui a parfois cours chez les musiciens, elles ne sont pas forcément difficiles à percevoir pour l'auditeur. Le succès de compositions telles que Take Five (5/4) ou Blue Rondo à la Turk de Dave Brubeck en témoigne.
Pour ce qui me concerne, j'ai beaucoup utilisé ces mesures, en particulier parce qu'elles donnent au compositeur (une fois assimilées) beaucoup de nouvelles idées mélodiques. De-même, parmi mes compositions, des thèmes comme Jyogam (5 temps) ou Bouches d'Or (13 temps) sont parmi ceux qui ont été le plus souvent diffusés ou adaptés.
J'ai exploré, de façon suivie, les possibilités de ces mesures tout au long de mes compositions et il en est certaines que j'ai jouées très souvent en concert comme Choro ou Titlu (5 temps), Eole ou All Walz :
Even make it up (9 temps), A fool to Never Know (7 temps), Her Song (13 temps), Missa Barroca (17 temps).
DoudaÏ Dance est un thème qui utilise une métrique longue et inhabituelle (25 temps). Dans ce cas c'est le fait de grouper les temps en 5x5, qui permet de sentir intuitivement la mesure.
Dans d'autres compositions comme Mermaids ou Danse Bulgare, une carrure paire est décomposée en un chaîne de mesures impaires. J'ai également utilisé les mesures impaires lors de ma collaboration avec le percussionniste indien Trilok Gurtu (la partie centrale de Living Magic est construite sur une mesure à 21 temps), ou plus récemment avec le groupe French Keys dont l'instrumentation inhabituelle (piano, vibraphone/percussions, marimba/percussions, accordéon) m'a permis de monter de très nombreux thèmes inédits, construits sur des mesures impaires.
Le site de Daniel Goyone. Regardez notamment ses nombreux livres sur le rythme.
Quelques pistes sur ce site :
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