Ce problème se pose à tellement de musiciens, amateurs ou pros ! Et il est difficile d'en cerner tous les aspects. Vous tournez en rond dans votre jeu instrumental, vos compositions ou improvisations, vous rejouez toujours les mêmes plans, les mêmes rythmes ?

Tourner en rond est une notion vague et il est important d'abord de mieux identifier ses problèmes personnels.

Essayons déjà de vous donner quelques pistes, il vous sera facile de les développer ou les adapter à vos problèmes spécifiques.

La culture, toujours la culture

Vous savez qu'il est plus que déconseillé de se marier entre cousins proches... Et bien, la culture c'est la même chose. Plus vous écoutez les mêmes musiques et moins vous aurez de chances de vous renouveller. Tout cela est évident mais on ne pense pas toujours à changer ses habitudes.

Alors écoutez de nouvelles musiques et de nouveaux instruments. Ecouter de nouvelles musiques ne signifie pas les aimer absolument ou rejeter vos préférées. Non, il s'agit seulement d'être curieux, d'aborder de nouveaux sons sans préjugés, juste pour voir. Et puis il ne s'agit pas de le faire tous les jours forcément mais de s'habituer à chercher de temps en temps d'autres chemins.

Selon votre personnalité deux méthodes : la douce et la violente...

Et l'une n'empêche pas l'autre.

• La douce va consister à partir de vos musiques préférées d'aller voir un peu à côté. L'idéal pour cela sont les sites de musique en streaming (Deezer, Spotify, Apple music...). Vous tapez le nom d'un musicien que vous aimez et vous allez découvrir des artistes dans le même style. Progressivement et sans vous brusquer, vous irez vers de nouveaux horizons musicaux. Notez évidement les musiques et les musiciens qui vous plaisent.

• La violente est évidemment plus difficile mais donne parfois des résultats plus intéressants, à vous de voir. Il s'agit cette fois de sortir totalement de votre univers. Vous aimez le rock ? Ecoutez de la musique contemporaine ou du free jazz. Vous êtes plutôt musique baroque, écoutez du blues "roots" ou de la musique japonaise.

Oubliez un peu votre instrument préféré

Il est normal d'aimer son instrument et d'écouter en priorité des musiciens qui en jouent ! C'est pourtant en écoutant d'autres instruments que l'on pourra trouver de nouvelles idées.

Par exemple, si vous êtes guitariste, essayez de jouer les accords d'un piano. Cela n'est pas toujours possible, mais quand c'est le cas, vous verrez qu'ils n'ont souvent rien à voir avec les accords habituels du guitariste (barrés, corde à vide...).

Prenons une harmonisation main gauche du pianiste McCoy Tyner. C'est une progression de type V-I (G7b5b9 - C). Essayez de jouer tout cela à la guitare et vous verrez que ces accords n'ont rien à voir avec ce que vous avez l'habitude de jouer :

Dans l'improvisation, le jeu mélodique de la trompette est facilement jouable pour un guitariste, alors essayez de jouer des plans de trompettistes, cela changera.

Si vous êtes pianiste ou guitariste, ne manquez pas de rejouer les lignes de basse ou de contrebasse.

Ecoutez-vous

Il n'est pas toujours évident d'identifier son vrai niveau musical. Celui-ci est souvent parasité par des considérations psychologiques (préjugés, niveau de confiance en soi) ou auditives (difficile de prendre du recul). Et ne faites pas confiance à ce que disent vos amis proches, ils ne sont pas toujours de bon conseil...

Dans ce cas, le mieux est de s'enregistrer. Peu importe la qualité de l'enregistrement, il suffit juste de laisser trainer un micro (ou un smartphone) et de s'écouter jouer. Vous aurez peut-être quelques surprises. Car si vous allez détester réentendre vos plans habituels, vous verrez qu'il y aura aussi de temps en temps des petits moments de grace que vous n'imaginiez peut-etre pas de votre part.

Essayez alors de les rejouer ou de les noter pour ne pas les oublier.

Autre technique qui part du même principe, essayez de chanter avant de jouer ou de chanter en jouant.

C'est le fameux scat en jazz dont voici un exemple avec Georges Benson "On Broadway" :

Mais cela peut aussi être une bonne technique pour le compositeur qui chantera une mélodie avant de la jouer sur l'instrument. On évitera ainsi les réflexes digitaux qui ont tendance à rendre le jeu répétitif !

Les contraintes

Une bonne technique pour éviter de se répéter consiste à se donner des contraintes à respecter qui vont nous obliger à nous renouveller. Une contrainte qui va limiter votre jeu à priori va vous obliger en fait à être plus créatif. Quelques exemples :

Rythme

• Improvisez ou composez uniquement avec des blanches, puis des noires... Plus le rythme est pauvre et plus il vous faudra développer le jeu mélodique.
• Si vous improvisez sur une grille, ne jouez que sur les accords 7 ou que sur les mesures impaires et faites silence sur les autres...

Mouvements mélodiques

• Improvisez ou composez avec ne jouant que des mouvements ascendants puis descendants.
• Essayez de jouer le plus possible des mouvements chromatiques.
• A l'inverse, ne jouez que des arpèges.
• Ne jouez que des intervalles disjoints, ou des intervalles disjoints suivis systématiquement de chromatismes...

Instruments

• Jouez avec un seul doigt de la main gauche (guitare, piano) ou qu'avec le pouce de la main droite (guitare). Le jeu sera plus lent et vous ne pourrez plus refaire les doigtés habituels.
• Jouez sans utiliser une ou deux cordes (guitare, violon...). Jouez uniquement sur les cordes 1 et 3 par exemple, le jeu sera plus disjoint et vous explorerez de nouveaux intervalles.
• Au piano, improvisez en jouant les mêmes notes aux deux mains...

Textes et images

• Prenez une phrase d'un poème qui vous plait et amusez vous à trouver une mélodie pour la chanter, même de quelques notes seulement.
• Regardez une image ou une vidéo et imaginez des sons ou des mélodies.

Le hasard

On dit que pas mal de mélodies ont été trouvées par hasard, un chat qui marche sur le piano par exemple...

Sans faire appel à vos animaux préférés, il est possible de tirer au sort des notes pour ne plus laisser ses propres idées mélodiques prendre le dessus. Placez des noms des 12 notes dans un sac et tirez-les au hasard. La plupart du temps, cela ne donnera rien jusqu'au moment où... Prenez-le comme un jeu, cela dédramadisera le rituel de création.

Ou écoutez les petites mélodies des sons qui vous entourent (Olivier Messian relevait les chants d'oiseaux), cela peut-être un point de départ mélodique.

Si vous composez à la guitare ou au piano, pourquoi ne pas essayer de le faire avec une boite à rythme, un séquenceur ou à partir d'une boucle rythmique samplée.

Enfin, n'hésitez pas à plagier, tous les musiciens de l'histoire l'ont fait. Reprenez une progression harmonique d'un de vos morceaux préférés (vous en avez le droit) et composer dessus une autre mélodie, ou partez d'une mélodie et changez les accords. Ou partez d'un solo ou d'un riff connu pour improviser, au fur et à mesure, vous oublierez le plagiat de départ pour trouver vos propres idées.